Cesser de crier, mission impossible?
On ne se considère pas comme une personne agressive et pourtant, on crie après nos enfants quand ils se chicanent, quand on est fatiguĂ©e, quand ils testent nos limites… Est-ce possible d’arrĂŞter?
JĂ©rĂ©mie pousse son petit frère, qui pique une colère terrible. On intervient en montant le ton et en mettant l’emphase sur son nom de famille: «JĂ©rĂ©mie TREMBLAY, excuse-toi!» Mais celui-ci continue de narguer son frère, toujours en pleurs, qui finit par le mordre. On s’Ă©nerve et on hurle: «Heille, ça va faire! Vite dans vos chambres!»
On crie après nos enfants et on se dĂ©teste ensuite? On n’est pas la seule. Selon une Ă©tude amĂ©ricaine publiĂ©e en 2003 dans The Journal of Marriage and Family, 89% des parents dĂ©clarent le faire et se sentir coupables après. Un comportement frĂ©quent qui n’est pas sans consĂ©quences sur nos enfants, surtout s’il devient notre principal moyen pour les discipliner, prĂ©vient la psychologue Suzanne Vallières.
En criant, on apprend Ă nos enfants Ă hurler pour se faire entendre. De plus, cela risque de leur donner l’impression qu’ils ne sont pas dignes d’ĂŞtre traitĂ©s de manière respectueuse et de leur envoyer une image nĂ©gative d’eux-mĂŞmes. «Les enfants ont besoin d’encadrement pour dĂ©velopper leur estime de soi et leur sentiment de sĂ©curitĂ©. Quand un parent crie: “Je n’en peux plus!” ou “Je suis Ă bout!”, cela peut devenir très insĂ©curisant. C’est un peu comme si le capitaine d’un bateau hurlait qu’il ne sait plus quoi faire en plein naufrage.»
Crier = perdre le contrĂ´le
Il faut l’avouer, il n’est pas facile de composer avec les crises d’opposition du tout-petit, l’insolence de l’ado et les rivalitĂ©s entre frères et soeurs sans lever le ton. «Crier, c’est perdre le contrĂ´le», croit Suzanne Vallières. On risque donc de crier davantage pendant les phases d’affirmation de nos enfants, oĂą on a moins de contrĂ´le sur eux, et lorsqu’on manque de sommeil ou qu’on est fatiguĂ©e en fin de journĂ©e. On peut aussi crier parce qu’on n’est pas suffisamment organisĂ©e, qu’on n’a pas rĂ©agi assez vite, qu’on a laissĂ© la situation se dĂ©tĂ©riorer ou qu’on est moins prĂ©sente mentalement en raison d’une situation difficile (finances, couple, santĂ©, etc.).
«Quand on crie et qu’on rĂ©agit de manière excessive, il faut savoir prendre du recul, quitte Ă s’isoler dans une autre pièce pour le faire», dit la psychologue. Si la situation l’exige, on peut mĂŞme donner l’exemple en s’excusant. Par contre, si crier devient une habitude, il faut identifier les situations problĂ©matiques et se donner des stratĂ©gies pour y remĂ©dier. «L’important, insiste Suzanne Vallières, c’est de perdre le contrĂ´le le moins souvent possible. L’escalade de cris intensifie une situation nĂ©gative et ne mène Ă rien de bon.»
Quel est votre profil?
Question d’alimenter notre rĂ©flexion et de trouver des solutions durables, voici cinq types de personnes qui ont la voix forte… et qui nous ressemblent.
•   L’hĂ©ritière. Chez elle, on crie de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Elle hausse le ton pour un oui ou un non, par habitude. Crier est un trait distinctif de sa famille que le partenaire n’apprĂ©cie pas nĂ©cessairement.
•   La performante. Elle crie pour un retard, souvent pas avĂ©rĂ©, pour que chaque chose soit Ă sa place, que chacun prenne ses responsabilitĂ©s et que le quotidien roule rondement… Ă sa façon.
•   L’Ă©puisĂ©e. Elle manque de sommeil, de temps de loisir, de soutien ou tout simplement d’aide. RĂ©sultat: son capital patience est Ă sec. Elle crie surtout pour ne pas pleurer.
•   La stressĂ©e. Perte d’emploi, maladie grave, problèmes financiers ou couple Ă la dĂ©rive: elle est prĂ©sente physiquement, mais absente mentalement. Le stress la rend intolĂ©rante envers ses enfants.
•   La nonchalante. Elle crie parce qu’elle manque de discipline et d’organisation ou tout simplement pour rĂ©duire ses dĂ©placements dans la maison. Ses enfants se chamaillent dans la chambre? Elle leur crie d’arrĂŞter du fond de la cuisine.
8 trucs pour cesser de crier
Suzanne Vallières nous donne ses meilleurs moyens pour nous aider à changer la dynamique familiale et arrêter de crier.
1. SĂ©parer les enfants. Ă€ partir de l’âge de 4 ans, dès qu’ils commencent Ă se chamailler, on les rĂ©oriente dans des lieux et des activitĂ©s diffĂ©rents.
2. Donner les bains avant le souper. Cela permet aux enfants de faire une coupure psychologique avec leur journĂ©e Ă l’Ă©cole ou Ă la garderie. Ils seront plus calmes pendant le souper.
3. Prendre du recul. On sent qu’on va bientĂ´t exploser? On s’enferme dans la salle de bains ou dans notre chambre et on respire. On se parle et on se donne un plan de match: «Quand je vais sortir d’ici, je ferai…»
4. Se taire pendant la crise. La colère est contagieuse. Dans le feu de l’action, on ne dit plus: «Je n’en peux plus! Je suis Ă bout!» Ces phrases ne font qu’envenimer la situation. On se tait, tout simplement.
5. Faire un reset. Quand la dynamique familiale ne va pas bien, on arrĂŞte tout et on recommence Ă zĂ©ro. Au milieu de la crise, on peut s’asseoir par terre et dire Ă notre petit: «Viens faire un gros câlin Ă maman.» Le câlin produit de l’ocytocine, une hormone qui contrecarre le cortisol, qui est l’hormone du stress. L’ocytocine est reconnue pour diminuer l’agressivitĂ© et baisser la tension artĂ©rielle.
6. Prendre notre ado Ă part. Avec un ado, on n’intervient jamais devant public (parent, frères, soeurs et amis). Il se sentira humiliĂ© et argumentera pour nous prouver qu’il a raison. Comme il est dans une pĂ©riode d’affirmation, il voudra prendre le pouvoir sur nous. Puisque c’est nous, l’adulte, on quitte la conversation en lui disant qu’on en reparlera calmement plus tard.
7. Pratiquer la respiration profonde. Avant de se lever le matin ou d’arriver Ă la maison le soir, on respire. On peut le faire dans la voiture, l’autobus ou le train. Pour se calmer et prendre un peu de recul, on respire par le ventre en expirant lentement par la bouche, voir la technique de respiration le 4-4-8.
8. Analyser la situation. MalgrĂ© tous ces trucs, on crie toujours autant? On se questionne sur les causes du problème et on prend les dĂ©cisions qui s’imposent: cours de yoga, sĂ©ance de mĂ©ditation, embauche d’une aide mĂ©nagère, aide du partenaire, constance dans les routines avec les petits, aide psychologique, etc.
Pour aller plus loin
•   Être un parent plus calme, serein, heureux, par Noël Janis-Norton, Ixelles, 2012, 399 p., 29,95$.
•   Les Psy-trucs: pour les enfants de 0 Ă 3 ans; pour les enfants de 3 Ă 6 ans; pour les enfants de 6 Ă 9 ans; pour les prĂ©ados de 9 Ă 12 ans; pour les ados de 12 Ă 15 ans, par Suzanne Vallières, Les Éditions de l’Homme, 2009 Ă 2013, entre 224 et 256 p. ch., 19,95$
•   Mieux vivre avec le stress, par Dominique Calvin, Transcontinental, 2012, 134 p., 19,95$.
•   Soyez heureux sans effort, sans douleur, sans vous casser la tĂŞte, par Lucie Mandeville, Les Éditions de l’Homme, 2012, 226 p., 24,95$